jeudi 5 mai 2011

Le G20, Martin Luther King, et Invivo Therapeutics

From 10 September 2010 StemCells&AtomBombs:The G20, Martin Luther King, and Invivo Therapeutics

Martin Luther King Jr.
Lorsque nous nous intéressons à l'homme moderne, nous devons reconnaître qu'il souffre d'une forme de pauvreté spirituelle, en contraste flagrant avec sa prospérité scientifique et technologique. Nous avons appris à voler dans les airs comme des oiseaux, nous avons appris à nager dans les océans comme des poissons, et pourtant nous n'avons pas encore appris à vivre sur la Terre comme des frères et des soeurs.

Il me semble que Martin Luther King a résumé mon article tout entier en cinq lignes pleines d'éloquence, alors qu'il me faut à moi 300 lignes pour transmettre la même idée.

Tout d'abord, la première partie, à propos de l'abondance scientifique et technologique.
  • Geron Corporation va débuter des essais sur l'homme, pour le traitement des lésions de la colonne vertébrale à base de cellules souches embryonnaires.
  • TCA Cellular Therapy a reçu le feu vert pour des essais sur l'homme, dans le traitement des lésions de la colonne vertébrale à base de cellules souches adultes, et a déjà commencé.
  • Les essais sur l'homme de traitement de la maladie de Charcot, à base de cellules souches neuronales, débutent.
  • Les aveugles se voient redonner la vue grâce aux cellules souches, en Italie et en Australie.
  • Cellules souches et sclérose en plaques.
  • Cellules souches et maladies cardiaques.
  • Cellules souches et... etc.
Vous pouvez trouver des informations sur toutes ces thérapies, ces essais, par une simple recherche "nom de la maladie+cellules souches".

La liste des maladies qui pourraient être traitées grâce à des cellules souches s'allonge chaque jour. La thérapie dont j'aimerais parler aujourd'hui concerne les lésions de la colonne vertébrale, et émane d'une société appelée Invivo Therapeutics (qui pense que les cellules souches ne sont pas nécessaires pour guérir les lésions de la colonne, mais qui a cependant effectué des tests), fondée par l'entrepreneur médical Frank Reynolds.

Avant de poursuivre, je tiens à dissiper toute équivoque et à dire que rien ne me ferait plus plaisir que le succès de cette thérapie ; et que si M.Reynolds m'appelait et me demandait de participer à l'un des tests sur l'homme prévus pour l'an prochain, je sauterais sur l'occasion (pas au sens propre : je ne peux pas). Veuillez bien comprendre que toute critique que je formule ne vise en aucun cas M.Reynolds ou sa société.

Je ne rentrerai pas dans les détails scientifiques, vous pourrez les trouver par vous-même. Je tiens par contre à souligner deux points vraiment remarquables à propos de cette thérapie. Première chose, c'est le première thérapie pour les lésions de la colonne à être essayée sur un singe, et elle fonctionne. Deuxième chose, ils vont mettre cette thérapie sur le marché pour un coût de seulement 12 milliards de dollars.

NON, NON ! PARDON ! Pas 12 milliards, 12 MILLIONS de dollars. Ce qui, selon M.Reynolds, "constitue un événement véritablement peu commun dans la communauté médicale actuelle". D'après Invivo Therapeutics, cet investissement pourrait rapporter 1 milliard de dollars, si les essais sur l'homme sont couronnés de succès.

Penchons-nous maintenant sur la partie "pas encore appris à vivre sur la Terre comme des frères et des soeurs".

Pourquoi M.Reynolds et son équipe, qu'il décrit comme étant constituée surtout d'étudiants de 3e cycle, ont-ils pu aboutir à un résultat d'une telle amplitude pour une bouchée de pain, alors qu'aucun gouvernement n'y est arrivé ?

Est-ce parce que les gouvernements ne savent pas faire preuve d'innovation ?
Ma foi, regardez plutôt le cas de la bombe atomique.

Est-ce parce que le traitement est trop cher à développer ?

Mais M.Reynolds a prouvé que cela pouvait être fait pour une somme raisonnable. De plus, les gouvernements subventionnent déjà de nombreux travaux, même si dans beaucoup de cas, ils ne font que subventionner les profits à venir de sociétés privées. Enfin, la prise en charge des individus atteints de lésions de la colonne coûte aussi beaucoup d'argent, bien plus qu'un traitement de ces lésions (voir à la fin de l'article pour plus d'informations).

La réponse est simplement que, comme le disait Martin Luther King, "nous n'avons pas encore appris à vivre sur la Terre comme des frères et des soeurs". Les gouvernements ne remplissent pas leur devoir envers leurs citoyens, celui de faire des besoins du peuple leur priorité. Les gouvernements, pour des raisons idéologiques et non pas factuelles, laisseront souffrir leurs propres citoyens, plutôt que d'admettre que l'entreprise privée ne peut pas résoudre tous les problèmes.

Cet échec nous coûte cher aujourd'hui, et nous coûtera encore plus cher à l'avenir. Au final, cela rendra le traitement encore plus coûteux, et bien plus important encore, cela éloigne d'autant l'instant où le traitement sera disponible pour les patients : puisque les sociétés privées se battent pour toucher le magot, elles ne mettent pas en commun données et connaissances qui pourraient accélérer les choses.

Pour les malades, cet échec coûte bien plus que de l'argent.

Les lésions de la colonne, et toutes les autres maladies qui pourront être guéries à l'avenir, ne le seront pas par une thérapie unique. Il s'agira d'une combinaison de différentes thérapies, et cela signifie que c'est la coopération, et non la compétition, qui hâtera l'arrivée des traitements. Or les sociétés privées n'iront pas dans ce sens. Elles sont tenues par leurs investisseurs de faire des profits (et cela est tout à fait justifié). En outre, cela signifie qu'une erreur pourrait également pousser les investisseurs à se retirer, laissant des recherches sans lendemain. L'autorité nécessaire au traitement des maladies par la coopération, ou comme M.King le disait "en vivant sur la Terre comme des frères et des soeurs", ne peut venir que des gouvernements, c'est-à-dire, au final, nous.

Si les dirigeants mondiaux ne manifestent pas la volonté d'avancer main dans la main avec leurs citoyens, alors c'est à nous de mettre en oeuvre notre force collective, pour les y amener qu'ils en aient envie ou non.

Il y a quelques temps, je disais dans un article que j'allais fournir une façon alternative et efficace de financer, d'administrer et d'organiser la recherche sur les cellules souches. C'est un objectif sur lequel vous et moi, comme des frères et des soeurs, pourriont travailler ensemble.


1. Les pays du G20 mettent en place un fonds, basé sur leur PIB, de 29 milliards de dollars (somme égale au coût de la bombe atomique), ainsi qu'un secrétariat du G20 pour la recherche médicale.
2. Ce fonds pourrait être utilisé pour financer toutes les recherches qui ont lieu dans les universités, et dans les sociétés privées qui acceptent de coopérer totalement au partage des données et à une possession collective des brevets.
3. Les scientifiques devront pouvoir échanger de façon régulière, afin que le partage ait bien lieu qui nous mènera aux traitements.

Eh bien, le G20 a une nouvelle réunion l'an prochain. J'ai/nous avons donc beaucoup de travail d'ici là.

Je saute du coq à l'âne, mais je vous conseille de regarder le film Lorenzo, avec Susan Sarandon et Nick Nolte. J'ai découvert ce film en me documentant à propos de Frank Reynolds, qui disait l'avoir regardé quand il était lui-même paralysé et y avoir trouvé l'inspiration pour chercher un traitement.

Il s'agit d'une histoire vraie, celle du père et de la mère d'un petit garçon atteint d'une maladie appelée ALD. A l'époque, il n'existait aucun moyen d'arrêter la dégénérescence due à l'ALD ; les parents décidèrent alors de chercher eux-mêmes un remède, et le trouvèrent. Il était trop tard pour leur propre fils, car la myéline, qui isole les nerfs du système nerveux central et leur permet de transmettre des impulsions, était déjà endommagée. Ils décidèrent donc de chercher un moyen de remiélynisation des nerfs.

A mon sens, le moment le plus parlant du film est tout à fait à la fin (3:12), quand le père du garçon discute avec un chercheur. Celui-ci explique au père la lenteur de la science, le fait que les scientifiques n'aiment pas collaborer. Nick Nolte, le père, lui répond :

"Ca n'est pas toujours comme ça, vous vous souvenez du Projet Manhattan ? Vingt-huit mois. Ca leur a pris vingt-huit mois. Alors, si les scientifiques sont capables de se mettre ensemble pour construire la bombe atomique... Ils sont certainement capables de le faire pour remyéliniser quelques petits chiens ?" (les tests à l'époque devaient être menés sur des chiens)

D'après le Centre de Statistiques sur les lésions de la colonne vertébrale de l'Université d'Alabama, mars 2002 (tiré de SCI-INFO-PAGES)

Coûts des lésions de la colonne aux Etats-Unis
  • durée d'hospitalisation initiale après la lésion, en soins intensifs : 15 jours
  • durée moyenne de séjour en rééducation : 44 jours
  • coûts initiaux d'hospitalisation suite à la lésion : 140 000$
  • dépenses moyennes dans la 1e année suite à une lésion de la colonne : 198 000$
  • dépenses dans la 1e année pour les paraplégiques : 152 000$
  • dépenses dans la 1e année pour les quadriplégiques : 417 000$
  • coûts moyens pour la vie, pour les paraplégiques, lésion à 25 ans : 428 000$
  • coûts moyens pour la vie, pour les quadriplégiques, lésion à 25 ans : 1,35 million de $
  • pourcentage d'individus victimes de lésions de la colonne sans emploi huit ans après la lésion : 63% (NB : à l'écriture de cet article, le taux de chômage général était de 4,7%)

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