samedi 2 juillet 2011

Du parachutisme ? Pourquoi j'irais faire du parachutisme ?

From 20 November 2010 StemCells&AtomBombs: Skydiving? Why in the hell would I go skydiving?



Le premier jour après la guérison.

Il est 7h du matin, et déjà les enfants galopent autour de moi, au rez-de-chaussée. Ils chantent des chansons japonaises que je connais vaguement, puis commencent à me demander de jouer avec eux. J'accepte donc.

Je saute de mon futon, quoiqu'on ne saute pas vraiment d'un futon posé sur le sol (sur des tatamis, soyons précis), disons donc que je roule sur le côté et que je me lève. Je chasse les enfants en leur disant de me laisser un quart d'heure. Je vais à la porte d'entrée, ramasse le journal, je prends mes cigarettes et je me rends aux toilettes pour lire mon journal et fumer quelques minutes en paix.

Ces quelques minutes passées, il est temps de préparer le petit déjeuner au premier étage. Je demande aux enfants comment ils veulent leurs œufs. "Durs", répond l'un, "sur le plat" répond l'autre. Je leur dis de choisir UNE solution, merci, et ils se lancent dans une rapide partie de janken (pierre-feuille-ciseaux) que Luca, l'aîné, remporte. Œufs sur le plat, donc.

Œufs, saucisses (pas des vraies saucisses à l'italienne, des espèces de toutes petites saucisses de Francfort fabriquées au Japon), toasts (pas à l'huile d'olive et à l'ail, avec du fromage fondu), lait, et café pour moi. Il est temps de manger, mais pour Luca et Lio, c'est surtout le moment de se chamailler à propos de chaque œuf, de chaque saucisse et de chaque toast. Je crie un bon coup et ils se calment. Finalement, on mange.

Bataille suivante. Nous sommes mardi matin, pendant les vacances de O-bon (la période où les âmes des morts reviennent chez elles, au Japon, nous avons une semaine de vacances pour les accueillir), et je ne veux pas perdre la journée. "Allez vous brosser les dents, puis vous habiller." Cette fois encore, je gagne, et ils filent au deuxième étage se préparer. De mon côté, j'ai cinq minutes de calme, que je mets à profit en me précipitant sur le balcon avec le reste de mon café, le journal et mes cigarettes.

"On est prêts !" Ils dévalent les escaliers, et se préparent à aller jouer dans la rue. Je me demande s'ils me laisseront en paix, mais je vois que la rue est déserte ; en l'absence d'autres enfants, ils viendront bientôt me chercher, et c'est avec plaisir que je les rejoindrai.

Nous sommes donc tous les trois dans la rue, sous le soleil d'août, à jouer à "Obama". Un jeu des plus intéressants. Avant, on l'appelait Osama (rien à voir avec Ben Laden). Osama veut dire roi en japonais, et dans le jeu on franchit des niveaux jusqu'à devenir roi. On a changé le nom en "Obama" après les dernières élections américaines.

Nous jouons pendant environ une heure, jusqu'à être trempés de sueur, dans l'atmosphère humide typique d'Osaka ; nous nous mettons d'accord pour retourner à l'intérieur de la maison (et profiter de la climatisation). J'espère en rester là, mais mon épouse, qui n'a pas encore mis le pied dehors dans la canicule, annonce que nous allons à Konan, un magasin de bricolage et de maison près de chez nous.

Même si la chaleur est étouffante, je suis content d'y aller. J'a l'intention d'acheter du bois, pour fabriquer des étagères dans la cuisine, quelques plantes, un nouveau pot pour mon olivier, ainsi que d'autres fournitures que l'on trouve dans ce type d'endroit. Konan est un excellent magasin, mais avant d'y arriver nous suffoquons sur nos vélos !

Enfin nous y sommes, nous achetons tout ce dont nous avons besoin (ou non), puis nous nous rendons sur le parking, où ils vendent des glaces. J'aimerais boire une bière, mais il n'en ont pas, et même s'ils en avaient ma femme ne me laisserait jamais boire un demi à trois heures de l'après-midi.

Nous arrivons à la maison après la longue traversée à vélo du pont Hyakuenbashi (le pont des cent yens), et à l'instant précis où je m'apprête à me détendre et à ouvrir une bière quoi qu'on me dise, nous décidons de sortir encore une fois. Cette fois, c'est pour aller déguster des okonomiyaki, ça ressemble à, à... Je ne sais pas à quoi ça ressemble. J'ai mangé de l'okonomiyaki le premier jour où je suis arrivé au Japon, et on m'a dit qu'il s'agissait d'une pizza japonaise. En fait, ça n'a rien à voir avec une pizza, c'est plutôt une grosse crêpe pleine de chou coupé et de tranches de porc. Bref. C'est délicieux, et nous savourons.

Je me rends compte que j'ai oublié de mentionner quelque chose. Avant d'aller manger notre okonomiyaki, mes enfants décident que ça serait génial d'aller au sento (bain public) après manger. Nous devons donc aller chercher des vêtements et des serviettes. Je ne sais pas si certains d'entre vous sont familiers avec les bains publics, ici au Japon je m'y rends souvent.

Pour faire simple, c'est un endroit avec de grands bains, et des douches le long des murs. Des très grandes baignoires d'eau chaude, fumante, certaines à l'intérieur et d'autres à l'extérieur, avec des saunas et des sièges massants. J'adore ces endroits, et si vous pouvez vous habituer à vous retrouver tout nu avec un groupe d'autres types, vous adorerez aussi.

Ainsi, après notre okonomiyaki, Luca, Lio et moi-même nous retrouvons dans un bon bain bien chaud, de l'eau jusqu'au cou, en extérieur. C'est le pied, mais j'avais oublié la véritable raison de leur insistance. Le bain public où nous allons, appelé Shintokuyu, dispose d'un espace de détente... avec des glaces. Je préfèrerais rester à l'aise dans l'eau bouillante, mais je sors du bain pour faire plaisir à mes enfants et leur payer une glace. Ceci dit, je suis verni car ils vendent des glaces ET des bières.

Je suis épuisé, mais alors que nous rentrons à vélo (environ 2 minutes de trajet), je me rends compte que j'oublie l'élément le plus important pour finir cette excellente journée : ENCORE de la bière. Nous faisons un crochet par un magasin pour en acheter quelques-unes, puis nous prenons le chemin de la maison.

Nous jouons à l'étage, dans la chambre des enfants. Je leur raconte une histoire, puis nous faisons la prière. "Notre Père", "Je te salue Marie", ainsi qu'une cohorte d'autres prières en anglais, italien, japonais et même en latin. Mais j'aurais aussi bien pu en dire quelques-unes en Swahili, les deux petits sont déjà endormis.

Je redescends au rez-de-chaussée car il fait trop chaud pour moi au deuxième étage, je déroule le futon, décapsule une bière et je lis jusqu'à m'endormir. J'ai promis aux enfants que demain, on irait à ZA BOOM, une grande piscine dans un parc d'attractions à environ une demi-heure de chez nous.

Tout ça vous paraît ennuyeux ? Pas pour moi.

En fait, c'est ce que j'ai fait le jour où j'ai été paralysé. Ce jour-là, je suis arrivé jusqu'à l'étape de déroulage du futon, puis la douleur est arrivée et j'ai été transporté à l'hôpital, laissant mes enfants pleins d'inquiétude pour leur père ET pour la sortie du lendemain à ZA BOOM.

Mon souhait, pour le premier jour où je retrouve ma liberté, est de revivre cette dernière journée, sans la douleur qui a tout commencé (et j'espère, sans les cigarettes). Puis, je veux finir mes vacances de O-bon, retourner à l'enseignement et à mon travail syndical. Debout.

C'est tout.

Je me souviens de ma première session de rééducation après mon opération. Le physiothérapeute, un homme très gentil, m'a parlé de gens en chaise roulante qui faisaient de l'alpinisme, de la plongée, du parachutisme, ou voyageaient à travers le monde.

Je me suis dit : "Ce type est complètement fou." Il me parlait de ma nouvelle vie passionnante en chaise roulante. Pourquoi est-ce que j'irais faire de la plongée ou du parachutisme dans ma chaise ? Je n'ai jamais pratiqué ces activités avant d'être paralysé, alors dites-moi pourquoi je voudrais faire ça maintenant ? Je préfèrerais mille fois avoir une discussion sur les nouveaux traitements en développement pour les lésions de la colonne vertébrale. Mais je n'ai eu que la discussion sur "la vie dans la chaise."
Peut-être qu'il s'agit de confiance en soi, ou de se sentir en vie... De se prouver que vous pouvez faire toutes ces choses même si vous êtes coincé dans la chaise. Mais je n'ai pas besoin de tout ça pour savoir que je suis vivant. La douleur, les douleurs, me le rappellent très bien. Je ne critique pas ceux qui pratiquent toutes ces activités. Peut-être qu'ils aiment ça. Peut-être qu'ils les pratiquaient avant. Peut-être qu'ils ont commencé après être devenus paralysés.

Quand on me dira qu'il n'y a aucun espoir, jamais... Quand toutes les recherches indiqueront que la guérison des lésions de la colonne est impossible... Ce jour-là, je me déciderai peut-être à m'intéresser à la plongée sous-marine.


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